Le Digital Product Passeport DPP

  • #Gestion catalogues (PIM/MDM/DAM) et gouvernance
  • #Commerce Unifié

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Depuis quelques années, l’Union Européenne s’est engagée dans une démarche visant à en faire le premier continent neutre sur le plan climatique. Avec un objectif de réduction de 55% de ses émissions de gaz à effet de serre à atteindre d’ici 2050.
Comme nous l’avions précédemment vu dans l’article sur l’anti-gaspillage, l’Union Européenne s’est ainsi dotée, au travers du “pacte vert”, d’un ensemble de mesures législatives visant notamment à la mise en œuvre de l’éco-conception des produits durables (ESPR).
L’une de ces mesures concerne le DPP pour Digital Product Passport. On vous en dit plus dans la suite de cet article.

Définition

Tout d’abord, comment définir le DPP d’un produit ? Il s’agit “tout simplement” d’une fiche produit numérique sécurisée et unique du produit fournissant un ensemble d’informations permettant de le caractériser et de le tracer durant l’ensemble de son cycle de vie.

Quelles informations du produit va-t-on retrouver dans le DPP ?

Il s’agit ici d’une liste à mi-2024, mais qui pourrait s’enrichir d’autres informations dans l’avenir : 

  • Ses informations de base :
    Son nom, sa marque, son numéro de lot, sa date de fabrication, ses infos de garantie, ainsi que toutes informations pertinentes pour améliorer la traçabilité du produit.
  • Sa composition et l’origine de ses matériaux : 
    • Informations sur ses composants et l’origine des matières premières entrant dans sa composition.
    • Informations sur les fournisseurs impliqués dans son approvisionnement.
  • Informations sur ses capacités de réparation :
    Quel est le niveau de réparabilité globale du produit, du démontage de ses composants et la traçabilité des réparations ayant déjà pu être faites ?
  • Informations sur son traitement de fin de vie :
    Toutes précisions sur le mode de traitement de la fin de vie du produit et le recyclage de ses composants et éléments.
  • Informations sur les substances dangereuses et polluantes :
    Informations si le produit comporte des matières premières ou des composants dangereux, polluants ayant un impact direct sur la réparabilité ou encore le recyclage.
  • Informations sur sa performance environnementale :
    Informations relatives à l’empreinte carbone correspondant aux processus de fabrication, de distribution et d’utilisation.

Quelles sont les échéances de sa mise en œuvre ?

Le DPP est pour le moment une proposition, plus qu’une obligation, publiée le 30 mars 2022 par la Commission Européenne sur l’écoconception pour des produits durables.

En termes de calendrier, la démarche est de démarrer sur 3 secteurs : batteries, textiles et électroniques d’ici à 2026 avant de l’étendre à plus de 30 catégories de produits suivant une échéance pas encore clairement définie à date.

Comme nous le verrons, les impacts sont d’une telle importance pour les acteurs concernés qu’une démarche en big bang ne serait tout simplement pas envisageable.

Ainsi, la première validation de principe sur les batteries (industrielles et véhicules électriques) a été dévoilée à Davos en 2023 au Forum économique (lien vers une page en anglais).

Un aperçu à date des échéances à garder en mémoire : 

Comment se représente le DPP ?

La mise en œuvre du DPP va donc nécessiter en tout premier lieu de collecter de la donnée produit. 
Il va rester ensuite à stocker et fournir un accès facile à ces informations pour tous les acteurs impliqués.
Un stockage sécurisé comme n’importe quel passeport avec comme point d’entrée un ID agissant comme une plaque d’immatriculation donnant accès à toutes les informations du produit.
Quels supports envisager pour cette plaque d’immatriculation ? Citons ici les plus populaires en septembre 2024 : 

Le QR Code
Un dispositif déjà très utilisé par de nombreuses entreprises, il présente les avantages d’être durable, flexible et facile à lire à l’aide d’un smartphone ou PDA.

Le Code-Barre
Historiquement, c’est le dispositif le plus utilisé et généralisé depuis les années 80. Avec comme désavantage d’être moins flexible sur l’accès aux données.

L’étiquette RFID
Outre le fait qu’une étiquette RFID n’est pas forcément visible à l’œil nu comme un QR Code ou un Code-Barre, elle présente l’avantage d’être beaucoup plus sûre que ses consoeurs, notamment avec des notions d’authentification et de preuve de falsification.

Le poinçon numérique
Il s’agit là d’une invention Franco-Suisse basée sur le principe du poinçon dans le domaine de l’horlogerie. Il assure une authenticité par un marquage unique. Développé par la société Ocode : https://www.ocode.fr/poincon-numerique

Le choix sera fonction des cas d’usage et des types de produits. On peut considérer que dans le domaine du Luxe, où la contrefaçon reste un fléau, l’étiquette RFID semble être une bonne solution.

Concrètement, comment se présente l’utilisation du DPP ?

Prenons un cas concret avec la marque O2feel spécialisée dans la vente de vélos électriques et qui est partie sur l’utilisation du poinçon numérique d’Ocode.

Pour accéder au DPP du produit que vous venez d’acheter : 

  • Vous devez d’abord trouver le poinçon numérique qui se trouve soit gravé sur le produit lui-même, soit sur une carte remise à l’achat.
  • Aller sur le site d’O2feel et scanner votre poinçon numérique ou saisir l’ID d’authentification 

La validation du poinçon numérique donne alors accès à un coffre-fort numérique fournissant l’ensemble des informations contenues dans le DPP de votre vélo !

Les objectifs du DPP

Les objectifs du DPP visent avant tout à améliorer dans l’espace de l’Union Européenne, la durabilité et la circularité des produits en : 

  • Favorisant des décisions d’achat basées sur le respect de l’environnement
  • Permettant une meilleure traçabilité et une amélioration de l’impact environnemental
  • Facilitant la gestion des déchets en généralisant le recyclage
  • Permettant une meilleure maîtrise sur la consommation de l’énergie et des ressources

Dans les grandes lignes, il revient à instaurer un cercle vertueux et à réduire le consumérisme sauvage.

Avantageux pour les entreprises :

  • Garantir la conformité de ses produits avec la réglementation européenne;
  • Se positionner réellement comme des acteurs responsables et transparents, renforçant sa réputation en écartant tout amalgame avec du greenwashing;
  • Optimiser sa chaîne d’approvisionnement et notamment réduire l’opacité qui entoure les échanges entre tous les acteurs de la supply chain;
  • Tisser un lien fort avec sa clientèle sur l’argument de l’éco-responsabilité mais aussi utiliser le DPP comme certificat d’authenticité et de propriété pour réduire les risques de contrefaçon qui est un enjeu considérable dans le secteur du luxe.

Profitable pour les consommateurs :

  • Responsabiliser le client en bénéficiant d’un outil efficace pour le guider dans ses choix d’achat ;
  • Réduire leur empreinte écologique en prolongeant la durée de vie des biens achetés grâce aux informations sur la réparabilité et le recyclage;
  • Rassurer le client sur l’authenticité du produit acheté.

On est en droit de penser que le DPP pourra apporter aussi des avantages aux autres acteurs de la chaîne :

  • Les fournisseurs de matériaux qui bénéficieront d’une meilleure visibilité en récompense pour la transparence dans leur gestion de la sécurité environnementale;
  • Les réparateurs professionnels qui, à partir de l’historique des rénovations, pourront assurer des réparations plus efficaces et durables dans le temps;
  • Les circuits de recyclage qui auront des informations plus détaillées sur les composants, les produits dangereux et pourront améliorer et sécuriser le recyclage des éléments;
  • Les pouvoirs publics qui pourront s’appuyer sur un nouvel outil pour vérifier la conformité des produits.

Impacts du DPP pour les entreprises

En tout premier lieu, il faut bien comprendre que même si pour le moment le DPP n’est pas une obligation, à terme les entreprises devront s’acquitter de la mise en œuvre de cette norme pour pouvoir vendre sur le marché européen.

Ensuite, le DPP induit un nouveau cycle de vie produit visant à généraliser la réparabilité et le recyclage.

C’est une transition de modèle pas si simple car elle nécessite l’intégration de nouveaux acteurs, de nouveaux processus, de nouveaux canaux de communication entre briques logicielles et de nouvelles données de référence produit.

Schéma simplifié d’un cycle de vie produit “classique”

Schéma simplifié d’un cycle de vie produit “durable”

On perçoit bien sur ce schéma que la réparation et le recyclage complique le calcul de l’impact environnemental, par exemple avec une multiplication des points de données sur un produit fait de plusieurs matériaux dont les temps de recyclage ne seront pas forcément équivalents.

Pour finir, même si mettre en œuvre concrètement le DPP reste encore flou pour pratiquement tous les acteurs, on comprend très bien que les données du DPP sont des données de référence du produit.
A ce titre, ces données sont hétérogènes et vont provenir d’une grande variété de sources, car elles concernent plusieurs domaines : les matériaux, la fabrication, le traitement, le transport, etc.

Outre le fait d’avoir des données de référence organisées en silos d’activités dans et en dehors de votre SI, il va être important de déterminer, entre tous ces silos, la donnée “vérité finale” à stocker dans le DPP. Ainsi, les données de traçabilité ou de durabilité d’un fournisseur pourront se traduire par un certificat, un paiement de taxe ou simplement des informations de comptes fournisseurs.
Cette gestion décentralisée et non normée, gérée par des départements différents rend quasi impossible la mise en œuvre de la transparence et de la traçabilité.
Le premier enjeu consiste donc à centraliser et standardiser les données pour le DPP en permettant de dé-dupliquer, normer, nettoyer, appliquer des règles métier, rendre compte et exposer un référentiel prêt à l’emploi pour l’ensemble des acteurs.

Face à ce constat, au delà de définir si votre DPP sera un QR Code ou une étiquette RFID, il convient de définir quelle brique de votre SI va prendre en charge la gouvernance des données du DPP tout au long de la vie de vos produits.
Par expérience, lorsqu’il s’agit d’aborder la notion de référentiel produits, viennent à l’esprit des briques spécialisées comme le PLM, le MDM ou bien le PIM. 
Certains de ces acteurs se positionnent déjà sur le sujet, comme a pu le montrer en mai 2024 le rapprochement entre Akeneo (solution PIM) et OCode fournisseur de solution DPP (https://www.lesclesdudigital.fr/akeneo-cree-une-application-dpp-avec-ocode/).
Le choix ne peut se faire que sur une étude approfondie de votre SI, de votre supply chain, des canaux de collecte de la donnée produit et des efforts et processus à mettre en oeuvre pour en extraire des données propres, partageables avec tous les acteurs et accessibles de manière lisible pour vos clients finaux.

Pour conclure

Il semble évident que dans les années à venir, la mise en œuvre du DPP va être un défi de taille pour les entreprises et tous ses partenaires.
Comme nous l’avons vu, les impacts sont multiples, les avantages nombreux et les écueils tout autant.

Si les contours commencent à être plus clairs, son application dévoile encore des zones de flou et d’incertitudes : 

  • Comment intégrer la relation aux réseaux de réparateurs et des recycleurs pour être en mesure de récupérer les historiques de réparation et les informations de recyclage ?
  • Dans le cas de la vente en seconde main, de l’occasion, est-ce que les vendeurs seront amenés à renseigner eux aussi des informations sur le temps de propriété de leurs produits ?
  • Comment rendre transparente la supply chain qui depuis longtemps apparaît comme opaque pour tous ses acteurs ?
  • Est-ce que la collecte des datas pourra facilement s’appliquer à tous les produits et est-ce que l’on parlera d’un DPP ou bien de DPPs par secteur de produits ? Ce qui pourrait complexifier sa gestion au quotidien.
  • Le DPP doit être présent sur le produit, sur un même lot ou encore sur un modèle de produits plus que sur ses déclinaisons ?
  • Quels KPIs et rapports de suivi mettre en œuvre pour être pertinents dans l’exploitation des données du DPP par les entreprises ?

Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un sujet d’importance qui va durablement révolutionner la manière de gérer les produits.
N’hésitez pas à nous contacter pour en discuter ensemble !