Deux fois par an, l’association BrailleNet organise un séminaire technique réservé à ses membres, le Groupe de Travail AccessiWeb (GTA). C’est une excellente occasion pour débattre, échanger et faire le point sur l’accessibilité numérique en France.
Les objectifs du plan d’Action Accessibilité Numérique
Après une introduction par Dominique Burger, président de BrailleNet, Philippe Bron de la DISIC nous à présenté les objectifs du plan d’action accessibilité numérique.
Le contexte
La DISIC est rattachée au SGMAP qui est lui même rattaché directement au service du Premier Ministre.
C’est lors de la CNH de 2011 qu’un plan d’action a été décidé avec le FIPHFP afin d’avoir une feuille de route sur l’accessibilité numérique dans l’administration.
Il y a eu un marché public puis un lancement en avril 2014 avec pour mission :
- la mise à jour du RGAA ;
- sa valorisation ;
- son accompagnement.
Un groupement d’entreprise a été retenu suite à cet appel d’offre : Smile, Meanings, Access42 et V-Technologies.
Philippe nous explique qu’un des points importants de ce plan d’action, ce n’est pas juste la mise à jour du RGAA, presque anecdotique, mais c’est d’aider et de tout mettre en œuvre pour faciliter son appropriation. Il y aura pour cela tout un accompagnement avec des formations mais aussi la mise à disposition de ressources.
Avancement
Il y a eu un effort considérable de la DISIC pour ouvrir au maximum cette phase de mise à jour du RGAA. Cette ouverture participative a été progressive. D’abord un noyau restreint d’expert référents, puis l’ensemble du GTA et enfin le grand public. Cette démarche sera gardée pour tous les autres référentiels de l’état comme par exemple le RGS ou le RGI.
Actuellement la phase de mise à jour du RGAA est finie, et le référentiel est en cours de validation réglementaire. Il devrait sortir officiellement au premier trimestre 2015. La DISIC et le groupement d’entreprise pousse pour avoir une release candidate afin de sortir le document avant la validation (qui peut prendre du temps). Mais c’est pour le moment un concept assez difficile à expliquer à l’administration.
Il y aura également une liste blanche regroupant tous les bons élèves ayant le label. Il s’agit du label « e-accessible » et il comportera plusieurs paliers. Le premier justifie du succès de 50 critères essentielles. Puis on augmente au fur à mesure pour atteindre le niveau AA (la norme) et pour les très bons élèves on peut même aller haut dessus. Je trouve que c’est une bonne démarche afin de souligner et d’encourager la mise en accessibilité d’un site ou d’un service. Ce label tout comme le RGAA est destiné en premier lieu au secteur public mais il peut tout à fait être utilisé pour le secteur privé et c’est d’ailleurs fortement recommandé.
Ce label aura une durée de 3 ans avec une visite de contrôle au bout de 18 mois. La structure ou société labellisée devra nommer en interne un référent accessibilité numérique qui sera garant du contrôle continue de l’accessibilité. Il y aura aussi un canal accessibilité qui jouera le rôle de canal de plainte.
Il n’y a pour le moment pas de sanction prévu en cas de non application du RGAA. La DISIC à fait remontée au SGMAP que dans le décret il était question d’une liste noire mais elle n’a jamais était mise en œuvre.
RGAA 3.0 ce qui change par rapport à AccessiWeb
Qu’est-ce qui change ?
Jean-Pierre Villain et Armony Altinier d’Access42 nous ont brillamment présentés les quelques différences (minimes) entre le RGAA 3.0 et le référentiel Accessiweb HTML5/ARIA
Pour rappel, le RGAA 3.0 est un fork du référentiel AccessiWeb HTML5/ARIA. C’est-à-dire que concrètement on ne réinvente pas la roue et heureusement !
La plupart des modifications ont consisté à des améliorations d’intitulé, de test, et de définition de glossaire. Toutes les modifications sont loguées sur un compte Github (privé pour le moment). L’ensemble des commentaires (170 en tout) ont générés 245 issues dont 227 closes.
À noter qu’il y a des écarts entre WCAG et RGAA où RGAA prends quelques libertés, ce qui est normal vu qu’il s’agit d’une interprétation de la spécification. Par contre, l’inverse n’est pas vrai. Il n’y a pas d’écart entre RGAA et WCAG.
Objectifs
L’objectif c’est de diffuser et permettre l’appropriation du RGAA 3.0 et de développer une culture de l’accessibilité numérique.
Les ressources :
- des référentiels supports (tester les composants, le mobile, la bureautique etc) ;
- base de composants accessibles parmi les librairies les plus utilisées ;
- des tutoriels pour corriger l’accessibilité des composants JavaScript ;
- des modèles de document : déclaration de conformité, page d’aide, grille de test, cahier des charges, etc. ;
- profilage des critères selon les tâches dans un projet web.
Développement de la formation
- cadrage stratégique et constitution d’un groupe de travail
- infuser une culture de l’accessibilité ;
- programme de formations selon les types du métier.
Le nouveau site Web RGAA
Vincent Maucorps de Smile nous a expliqué les objectifs du nouveau site du RGAA.
Ce site contiendra et présentera le RGAA mais également d’autres référentiels comme le RGI et le RGS.
Les objectifs sont de diffuser l’information et d’expliquer la stratégie du SI de l’état, tout ceci sur un socle de logiciel libre.
Un des gros chantiers sera bien évidemment la mise en accessibilité AA de ce site (l’inverse serait un comble) ainsi que le respect de la charte Internet de l’état.
L’autre enjeu est d’avoir un référentiel dynamique, interactif et à jour.
Dynamique
Pour l’aspect dynamique, il s’agit d’atomiser les contenus. Il sera possible de filtrer par niveau (A, AA, AAA), par principe WCAG (perceptible, utilisable, compréhensible et robuste) par sujet (image, cadres, etc) ou par cible (ergonomie, graphiste etc). Et là c’est un vrai plus !
Interactif
Il y aura un système de commentaire afin de pouvoir collecter les retours terrains et répondre au question.
A jour
Pour la mise à jour c’est simple, tout sera sur Github.
Premiers retours de terrain
Bertrand Binois, du Conseil général du Pas-de-Calais (CG62) nous à partagé son retour terrain sur la mise en accessibilité du site pasdecalais.fr avec RGAA 3.0 bien entendu.
C’est un très bon orateur et ce retour d’expérience était vraiment très intéressant (oui il y a 2 fois « très » mais j’ai vraiment aimé cette conférence).
Bertrand travaille depuis 2008 pour le site pasdecalaire.fr, et c’est également l’année du début de son histoire d’amour avec le RGAA. En janvier 2010 une première version du site sort et elle est conforme AA, puis ainsi de suite au fil des ans avec à chaque fois un niveau d’accessibilité toujours plus haut.
Lors de l’appel à commentaire publique du RGAA 3.0 il a donc tout naturellement audité le site avec ce nouveau référentiel et avec l’aide de Temesis. Bilan assez satisfaisant, quelques modification à faire mais rien d’alarmant.
C’est alors qu’il est choisit par le groupement mené par la DISIC pour faire un audit pilote avec RGAA 3.0 afin de tester la procédure de labelisation. En gros un crash test grandeur nature sur un site public en production.
Cet audit pilote est réalisé par Olivier Nourry en tant qu’inspecteur et là c’est le drame. Beaucoup de critères non conformes par rapport au précédent audit. Et pourtant ce site à un niveau d’accessibilité supérieur à la moyenne. Il a déjà passé environ 6 audits RGAA depuis 2008.
L’histoire se finit bien mais sur certains points il à fallu faire des dérogations et c’est là que c’est intéressant. La dérogation ça fait peur. C’est une porte ouverte dans laquelle il est tentant de s’engouffrer quand une mise en conformité est jugée trop coûteuse. Il faut donc bien veiller à l’utiliser intelligemment et pas à tord et à travers.
Bertrand a donné un exemple très concret : le téléchargement de documents, et plus particulièrement le formulaire pour devenir assistant·e maternel·le. Au regard du RGAA, ce document doit être accessible. Mais est-ce pertinent ? Pour devenir ce metier, la personne devra avoir une bonne acuité visuelle, c’est même apparemment obligatoire. Du coup quel intérêt de rendre un document accessible à des non voyants ou malvoyants alors que de toute façon ils n’auront aucun usage de ce document. Dans ce genre de cas, la dérogation a sa place.
Bertrand soulève également un point intéressant à propos des niveaux de critères (A, AA, AAA). Il est parfois plus facile et rapide de mettre en place une technique pour satisfaire un critère de niveau AAA alors que pour un critère de niveau A il va falloir des jours et des jours. Il faut avoir en tête que ces niveaux ne représentent absolument pas des indicateurs sur la difficulté de la mise en conformité.
Enfin, il y a un gros problème de communication sur l’accessibilité et ses outils. À part les personnes en situation de handicap, qui, parmi le grand public, sait comment tabuler sur un site web, ou agrandir la taille de police ? Il peut nous arriver à tous d’être dans une situation de handicap et d’avoir besoin de ces fonctionnalités mais elles restent relativement méconnues.
Conclusion
Le nouveau site du RGAA 3.0 ainsi que le référentiel en lui-même sont donc prévus pour le premier trimestre de 2015. Il s’agira du référentiel à suivre pour les sites publiques, bien qu’il soit vivement recommandé d’en faire autant pour les sites du secteur privé.
Les ressources qui seront fournies représenteront une aide certaine pour la mise en conformité des sites. On aura par exemple un slider, un accordéon, une popup, etc. parfaitement accessible et respectant le design pattern ARIA. Et ça, c’est une très bonne nouvelle.
C’est une victoire et une belle reconnaissance pour BrailleNet qui a fourni un travail considérable depuis 2003 sur l’accessibilité numérique. En reprenant le référentiel d’AccessiWeb pour rédiger le RGAA 3.0, l’État légitimise tout l’excellent travail qui est fait depuis des années par cette association.
C’était une journée riche en information et en échanges. C’est toujours un plaisir de rencontrer des personnes qui partagent la même vision d’un web ouvert et accessible. En somme, un web plus humain et plus citoyen.
PS : merci à Marie pour la relecture.