Le prochain grand tournant pour Microsoft

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Microsoft est en train de se préparer activement à son prochain «grand tournant». C’est une des forces de cette société : être capable de se remettre en cause et de transformer une épreuve en avantage. Et cette fois, quelle est la cause de la transformation ?

La menace représentée par la montée de l’open source ?

Cette menace est prise très au sérieux par l’état major de Microsoft au point que certains spéculent même sur le prochain lancement d’un «MS Linux» !

Mais non, ce n’est pas cela.

LongHorn alors ?

La gestation difficile de la prochaine version de Windows mérite sans doute une profonde remise en question des choix techniques internes mais ce n’est pas cela non plus…

Allez, je vous donne la solution : les applications louées !

Oui, Microsoft va faire basculer son offre «entreprise» dans le monde des ASP[ASP pour Application Service Provider, et non Active Server Page, un principe dont nous annoncions le retour il y a déjà deux ans dans notre chronique «[Le retour des ASP ?» ]] et c’est tout à fait logique.

Comment peut-on affirmer le caractère inéluctable de cette évolution (majeure, effectivement) ?

Un ensemble d’éléments récents confirme que le mouvement est en marche, suivez le guide…

Tout d’abord, Microsoft vient de préciser la stratégie adoptée pour migrer ses progiciels de gestion intégrée Axapta, Navision, Microsoft CRM et autres Great Plains et Solomon vers une plate-forme technique commune.

«Notre but est de faire progressivement bénéficier nos solutions Axapta, Great Plains, Solomon, Navision et Microsoft CRM des avantages de l’environnement .Net puis des avancées techniques liées à LongHorn», explique Xavier Courchinoux, chef de groupe Marketing produits au sein de la division Microsoft Business Solutions.

Le but de ce projet est d’unifier les différentes solutions proposées par Microsoft Business Solutions sur une même base technologique (ça, on avait compris) mais aussi d’en finir avec les recouvrements fonctionnels des différents packages (et là, il y a du travail). Cette démarche peut paraître évidente et, effectivement, Microsoft essaye de la mettre en oeuvre depuis un certain temps déjà[Voir l’article «[Microsoft gets outside the box with software» de CNET]].

En effet, c’est bien l’objet d’un projet interne lançé dès 2003 (nom de code « project green ») et qui, depuis, peine à produire ses résultats. Bill Gates, toujours à l’affût des évolutions importantes, a repéré le succès d’un Salesforce.com et avoue même dans des interviews récentes «qu’il surveille cette société intensément» …

En vérité, Gates croit que l’avenir du logiciel en entreprise va évoluer vers le mode ASP. Cela fait même 10 ans qu’il le croit, mais ce n’est que depuis récemment qu’il pense qu’il est temps d’y aller. Donc, nouvelle importance donnée au «project green» et nouvelle priorité aussi : il faut m’adapter tout cela au mode ASP, asap ! Bien chef, tout de suite chef !

Pourquoi Gates s’est-il soudainement converti à l’ASP alors que Microsoft trainait des pieds depuis des années sur ce point ?

Il était ardu, en 2003, d’obtenir de la part de Microsoft France les conditions d’hébergement de Navision ou d’Axapta via un prestataire spécialisé. Clairement, Microsoft ne voulait pas entendre parler de mode hébergé et voulait seulement vendre de la licence à ce moment-là.

Les temps changent et le mode hébergé devient tout à coup au centre de la stratégie entreprise[Voir l’article «[Le marketing Microsoft oublie .Net pour les solutions métier» du JdNet Solutions]]. En fait, et contrairement aux apparences, il y a beaucoup d’éléments favorables qui militent pour que Microsoft devienne un champion de l’ASP. Tout d’abord, à la différence d’IBM (qui en fait, lui aussi, son cheval de bataille), Microsoft possède désormais tout un portefeuille d’applications de gestion qui sont des candidates évidentes pour ce mode de commercialisation.

Ensuite, Microsoft est particulièrement intéressé à transformer ses revenus ponctuels de licences en un flot continu (le vieux rêve secret de Gates depuis 15 ans !). D’ailleurs, la société essaye tant bien que mal de pousser ses clients vers ce type de rapports avec des abonnements automatiques aux mises à jour (comme le Software Assurance Program).

C’est devenu une évolution d’autant plus nécessaire que les délais entre les sorties de nouvelles versions sont de plus en plus longs (5 ans pour Windows ou SQL Server). Les revenus ponctuels ont tendance à se tarir, il faut changer de modèle…

Du coup, Microsoft commence à lancer des sondes, à expérimenter dans ce domaine et à modifier son discours aussi…

C’est ainsi qu’il faut comprendre le lancement de l’offre «Outlook Live» en début d’année. Au niveau du discours, Gates et ses lieutenants commencent à répéter que Microsoft est déjà actif dans ce business : «prenez Hotmail, prenez MSN, nous faisons déjà beaucoup d’applications hébergées, nous sommes crédibles sur ce segment de marché…».

Proposer de l’ASP sera aussi une manière de pousser à l’adoption de .Net car il est douteux que l’offre hébergée pour les entreprises soit purement et simplement basée sur un simple navigateur Web, elle s’appuiera sans doute sur les capacités de développement de clients riches de la plateforme .Net[[Voir, à propos des clients riches, notre chronique intitulée «[Vivons-nous le diktat des interfaces Web HTML ?->art130]» ]] et/ou sur InfoPath. Car la montée en puissance des applications Web est elle aussi vécue comme une menace. Gates lui-même reconnaît qu’une application comme Gmail est un exemple «plutôt impressionnant» de ce qu’on peut faire en utilisant les technologies du Web et en respectant ses standards.

Bref, attendez-vous, dans les prochains mois, à une offensive particulièrement forte dans ce domaine de la part du numéro 1 mondial, qui pourra en bénéficier triplement :
– aller encore plus vers des revenus de type abonnement
– donner une vraie justification à l’enracinement de .Net sur le poste de travail des utilisateurs en entreprise
– et même, accessoirement, masquer la lenteur des progrès de LongHorn… que demander de plus ?